Personne ne se soucie vraiment de ses apports en iode parce que l’enrichissement du sel de table est censé offrir une sécurité aux populations générales, mais, malheureusement pour les animaux, les sources d’iode principales sont les produits laitiers et les organismes marins [1]. Il n’est pas nécessaire de tuer les animaux marins ni de dévaster les océans pour satisfaire les besoins de l’espèce humaine, pas plus que d’exploiter les ruminants pour leurs sécrétions mammaires exagérément enrichies en iode.
Plutôt que d’étendre l’usage du sel iodé aux produits transformés, la stratégie sanitaire française consiste à encourager une consommation plus importante de produits laitiers [2]. Repris par la loi, cet arbitrage réduit la gamme des préparations végétales iodées à celles qui contiennent des algues marines. La situation fait que les personnes véganes doivent être plus particulièrement sensibilisées. Par ailleurs, nombre d’aliments végétaux extrêmement sains contiennent des substances inhibitrices qui peuvent réduire la captation de l’iode par la thyroïde. Cet effet est observable lorsqu’une personne manque déjà d’iode [3].
Bien qu’il soit présent à l’état de traces dans le corps humain, l’iode est essentiel au bon fonctionnement de notre organisme. Il sert principalement à produire des hormones thyroïdiennes qui contrôlent les grandes fonctions vitales (synthèse des protéines, réactions enzymatiques, développement et maintien du système nerveux central et périphérique, thermogénèse, croissance et maturation cellulaires, etc.). Une carence peut avoir des répercussions importantes sur la vie des adultes (goitre, hypothyroïdie, hyperthyroïdie future, amoindrissement des facultés cognitives), tandis que les dégâts sont souvent irréversibles lors des projets de grossesse ou chez les enfants, parce que la croissance du cerveau requiert de l’iode [4] (fausse couche, naissance prématurée, goitre, retard mental, immaturité sexuelle, nanisme, crétinisme).
Le premier programme d’enrichissement du sel (1922) avait augmenté le quotient intellectuel ainsi que la taille des populations suisses de manière spectaculaire. Les États-Unis ont observé exactement les mêmes bénéfices avec un programme d’enrichissement plus important (1924), mais ces pays autorisent l’usage du sel iodé dans les produits transformés, bien au-delà du sel de table [5]. Les recommandations quotidiennes de l’OMS [6] pour les populations européennes sont de :
- 90 µg de la diversification à 5 ans ;
- 120 µg de 6 à 12 ans ;
- 150 µg au-delà (y compris les adultes) ;
- 250 µg pour les projets de grossesse et d’allaitement.
Un excès d’iode augmente l’activité de la thyroïde ou en bloque le fonctionnement. Si le fonctionnement de la thyroïde est bloqué, l’excès chronique provoque des réactions semblables à un manque d’iode. Les prématurés et les nourrissons y sont les plus fragiles. Aussi peu probable soit l’excès d’iode chez les véganes, il reste possible par surconsommation de compléments et d’algues marines. Pour les populations saines qui ne manquent pas d’iode, l’OMS se contente de reprendre les valeurs maximales quotidiennes des institutions américaines [7] :
- données insuffisantes avant 1 an ;
- 200 µg de 1 à 3 ans ;
- 300 µg de 4 à 8 ans ;
- 600 µg de 9 à 13 ans ;
- 900 µg de 14 à 18 ans ;
- 1 100 µg au-delà (dont grossesse et lactation).
Les doses chroniques jusqu’auxquelles aucun effet probable n’est à envisager pour la majorité des populations sont au moins deux fois plus importantes pour chaque tranche d’âge [8], mais il existe des cas particuliers. La thyroïde d’une personne longuement carencée subit des modifications qui la rendent beaucoup plus sensible, ce qui peut diviser les doses maximales par deux [9].
En raison des arbitrages en faveur des produits laitiers, le simple fait d’habiter en France et d’avoir une alimentation strictement végétale sur de longues années (sans algues marines ni compléments) peut induire une carence en iode. Ce n’est toutefois pas suffisant pour tirer des conclusions hâtives, car cette fragilité s’identifie par analyse urinaire, par analyse de l’hormone de stimulation thyroïdienne (TSH), par l’évaluation de la grille des symptômes potentiels et par divers examens complémentaires tels que la palpation ou l’échographie de la thyroïde, voire un scanner, etc. Si un désordre thyroïdien est suspecté, les généralistes peuvent recommander la consultation des endocrinologues (spécialistes). Des informations complémentaires suivent.
ALGUES
La teneur des aliments dépend de la présence d’iode dans les milieux agricoles. Or, en raison des lessivages pluviaux, l’iode est principalement concentré dans les océans. Les aliments qui peuvent réellement aider les véganes à satisfaire leurs apports sont donc principalement des algues marines. Leurs teneurs sont extrêmement variables, allant du simple au triple selon les variétés et surtout la richesse des eaux dans lesquelles elles sont cultivées. Il faut systématiquement vérifier les étiquettes ou questionner les entreprises si la teneur en iode n’est pas spécifiée. La teneur en iode des algues françaises est donnée par gramme d’algue séchée :
- de 2 020 à 7 454 µg pour la laminaire, aussi appelée kombu ou kelp en anglais (Laminaria digitata tali) ;
- de 2 789 à 5 277 µg pour la laminaire sucrée, aussi appelée kombu royal (Laminaria saccharina) ;
- de 240 à 728 µg pour le goémon noir (Fucus vesiculosus) ;
- de 118 à 347 µg pour l’ouessane, aussi appelée wakamé (Undaria pinnatifida) ;
- de 90 à 168 µg pour le haricot de mer, encore appelé spaghetti de mer (Himanthalia elongata) ;
- de 40 à 541 µg pour la dulse (Palmaria palmata) ;
- de 67 à 188 µg pour le nori, appelé laver en anglais (Porphyra umbilicalis) ;
- de 10 à 131 µg pour la laitue de mer ou ulve (Ulva sp.).
Certains mélanges d’algues marines séchées à saupoudrer sur les salades ou dans les plats peuvent permettre d’atteindre les cibles sans effort, voire de les dépasser ponctuellement sans grand risque. Les teneurs des algues fraîches sont inférieures. La vigilance s’impose vis-à-vis des jeunes enfants, pour qui ces apports sont aussi cruciaux que l’excès chronique est dangereux [10].
SEL IODÉ
En raison des risques d’hypertension, de maladies cardiovasculaires, de cancer de l’estomac et d’ostéoporose, le sel doit faire l’objet d’une consommation modérée. Les messages de santé publique sont de plus en plus clairs à ce sujet avec, pour effet principal, la diminution de l’adjonction de sel dans l’assiette (0,5 g par jour en moyenne). Or, la consommation du sel de table est déjà trop parcimonieuse pour représenter une source d’iode significative : seule la moitié de la population française utilise une salière à table, et seuls la moitié des sels achetés sont iodés (le simple sel de mer n’est pas une source d’iode, pas plus que les sels haut de gamme de petites productions). Pour ne rien arranger, la perte d’iode est considérable au cours des cuissons, ainsi qu’au cours de la conservation (humidité, chaleur, lumière, taux de renouvellement) [10]. Comparativement aux équivalents américains, l’enrichissement du sel est extrêmement limité en France :
L’usage du sel iodé est interdit dans les plats préparés en France, principalement en raison du risque d’excès que cela ferait encourir aux personnes qui consomment tous les produits laitiers recommandés par le Programme national nutrition santé [10]. Les populations qui ne consomment pas de produits laitiers subissent donc l’impact de stratégies de sécurité sanitaire générales, inadaptées à leur cas spécifique. Les produits laitiers français sont riches en iode, notamment en hiver parce que les éleveurs ou éleveuses donnent des fourrages iodés inutilement surdosés et font tremper les trayeuses dans des produits désinfectants iodophores. Au contact des pis désinfectés, ces produits pénètrent par diffusion dans le lait.
Les produits transformés, qu’ils soient véganes ou pas, sont globalement rejetés par les autorités sanitaires qui, malgré la progression notable de ces nouvelles consommations, préfèrent en déconseiller l’usage plutôt que de les enrichir en iode. Reste donc le sel de table français, qui n’en contient généralement pas plus de 18,6 µg/g en (moyenne Ciqual) à cause des déperditions, malgré l’enrichissement à 15 ou 20 µg/g. Avec la meilleure volonté du monde, les véganes ne peuvent pas obtenir suffisamment d’iode par le sel de table. Même en consommant 5 grammes enrichis (maximale quotidienne pour l’ensemble des sources de sel), on ne peut espérer obtenir plus de 93 µg d’iode, ou légèrement plus si l’enrichissement est exceptionnellement bien conservé. C’est insuffisant.
COMPLÉMENTS
Il existe plusieurs compléments végétaliens et non testés (écrivez aux entreprises pour obtenir des informations précises) contenant des doses appropriées en iode ainsi que des produits qui sont enregistrés auprès de la marque végane internationale (Veg1, Vegvit, Deva prénatal).
Contrairement à la vitamine B12, l’absorption de l’iode ne dépend pas d’un mécanisme à deux vitesses. Les doses quotidiennes peuvent donc être multipliées par 7 et faire l’objet d’une prise hebdomadaire, soit environ 1 000 µg pour une personne adulte [13]. Parce qu’elle est en deçà de la maximale américaine quotidienne, cette dose hebdomadaire est parfaitement acceptable. Bien que certaines études démontrent qu’il est techniquement possible d’aller bien au-delà, pour espacer les prises jusqu’à plusieurs mois, les personnes participant aux essais faisaient l’objet de contrôles médicaux. La prudence recommande donc de s’en tenir à des doses quotidiennes ou hebdomadaires, au choix.
Notons qu’il existe des procédés d’enrichissement de certaines huiles végétales (colza, lin, pavot, cacahouète, etc.) qui permettent d’administrer une dose d’iode suffisante pour une année complète. Longuement stocké dans les tissus adipeux, l’iode n’est alors libéré qu’au fil des besoins de l’organisme. Aussi efficace qu’économique [14], cette alternative technique intéressante n’a pourtant été destinée qu’aux populations les plus isolées, auprès desquelles le sel iodé ne parvient que très difficilement.
DÉCOUVERTE, ORIGINE ET RÉPARTITION DE L’IODE
L’iode est créé lors de l’explosion de certaines supernovas par nucléosynthèse explosive. Les nucléons s’assemblent pour former des atomes de masse plus importante. D’une relative rareté, l’iode est aujourd’hui majoritairement présent sur Terre sous deux formes :
- l’iodure I– dans la terre, les plantes telles que les algues et l’eau de mer ;
- le diiode I2 à la surface des océans.
Cet élément chimique fut isolé fortuitement (1811, Bernard Courtois), alors qu’une vapeur de couleur violette se dégageait de la combustion d’algues marines et se cristallisait sur les parois froides. Cette couleur violette donna son nom à l’iode (du grec ἰώδης [15]). Selon les formes, l’iode peut cependant être bleu, marron, jaune, rouge, blanc ou incolore [16].
L’eau de mer est le réservoir majoritaire de l’iode à la surface du globe, parce que l’iode participe à un cycle qui comprend son évaporation, sa retombée sur la terre par la pluie et son lessivage par les courants d’eau vers les océans. Les algues, dont les algues brunes comme les laminaires, stockent l’iode sous forme d’iodure en grande quantité à l’intérieur de leurs tissus. En période de stress, comme lors de l’exposition à une lumière intense, ou en période de marée basse, les algues libèrent de grandes quantités d’iode [17]. Ce processus produit de l’iode moléculaire gazeux qui, en prenant de l’altitude, constitue autant de noyaux de condensation de molécules d’eau pour former des nuages [18]. L’augmentation du nombre de ces noyaux de condensation conduit à la formation de nuages épais, qui réfléchissent fortement la lumière et durent plus longtemps [19]. Les algues ont donc un rôle particulier dans le cycle de l’iode, car elles participent à la régulation du climat.
Les régions montagneuses anciennement recouvertes par des glaciers et les régions médiocontinentales sont souvent pauvres en iode, car les pluies sont de moins en moins iodées au fur et à mesure qu’elles s’éloignent des régions côtières et qu’elles lessivent les sols au même titre que la fonte des glaciers. La proportion de l’iode dans la terre dépend de plusieurs facteurs comme la quantité de pluie, la proximité de la mer et la composition chimique du sol. Globalement, les sols ont des concentrations en iode faibles situées en moyenne entre 1 et 5 ppm [20].
ABSORPTION, MÉTABOLISME ET ANALYSES
L’absorption de l’iodure (I-) s’opère au niveau de l’intestin chez l’espèce humaine. Il est ensuite capté par les cellules de la thyroïde (les thyrocytes). La thyroïde contient jusqu’à 50 fois plus d’iodure que le plasma [21]. Le corps humain contient normalement entre 15 et 20 mg d’iode au total, dont 70 à 80 % sont stockés par la thyroïde [22]. Typiquement, plus de 90 % de l’iode ingéré sont absorbés [23].
La thyroïde est une structure composée de cellules (thyrocytes) qui forment de petites cavités remplies d’une substance gélatineuse jaunâtre appelée colloïde. C’est le lieu de synthèse des hormones thyroïdiennes :
- thyroxine (T4) ;
- triiodothyronine (T3).
La T3 et la T4 sont ensuite exportées dans le sang afin d’atteindre leurs cellules cibles (foie, reins, cerveau et muscles dont le cœur). La T4 y est transformée en T3 pour être utilisée [24]. Les hormones thyroïdiennes :
- sont indispensables au développement de l’embryon, puis du fœtus et des enfants, et plus particulièrement de leurs poumons [25], de leurs os (croissance linéaire) et de leur système nerveux central (production de myéline, de neurotransmetteurs, et croissance des axones [26]) ;
- stimulent la production d’ARN polymérase, l’enzyme majeure de la transcription, augmentant ainsi la biosynthèse des protéines, mais aussi la vitesse de leur dégradation [27] ;
- stimulent la dégradation des lipides [28] et du glycogène, ainsi que le métabolisme du glucose [29], accélérant également le rythme et le débit cardiaques [30] ;
- accroissent la consommation en énergie et en oxygène des cellules [31], permettant ainsi la thermorégulation de l’organisme ;
- influencent la capacité à l’exercice (muscles, dont le système cardiovasculaire) ;
- aident à maintenir la masse osseuse à l’âge adulte [32].
Si la quantité de T3 et de T4 en circulation est insuffisante ou excessive, l’hypophyse régule l’activité de la thyroïde. C’est une glande située dans le cerveau (voir les illustrations) qui libère de la TSH (thyréostimuline) en plus ou moins grande quantité, afin de stimuler ou de réduire l’activité des cellules thyroïdiennes. Lorsqu’un manque de T3 et de T4 est manifeste, l’hypophyse libère davantage de TSH afin d’augmenter l’activité de la thyroïde, pour qu’une plus grande quantité d’hormones thyroïdiennes soit produite. Inversement, lorsque la T3 et la T4 sont en quantités trop importantes, l’hypophyse libère moins de TSH afin de réduire l’activité de la thyroïde. Ce mécanisme en boucle permet une régulation généralement efficace de l’activité de la thyroïde.
L’analyse de la TSH est un examen relativement courant, qui nécessite une prise de sang. Les valeurs normales se situent généralement entre 0,4 et 4,0 milli-unités internationales par litre (mU/l) [33]. Ces valeurs peuvent varier légèrement selon les laboratoires. Les personnes qui ont une thyroïde dysfonctionnelle ou qui n’ont plus de thyroïde (ablation) sont traitées à vie avec un médicament appelé Lévothyrox, qui n’est autre qu’une version synthétique de la T4, mais dont certains excipients sont d’origine animale. Son générique végétalien et non testé est la lévothyroxine (Thyrofix). En France, il est interdit de refuser un générique à la patientèle qui le réclame en pharmacie. Il est toutefois recommandé de vérifier la TSH 6 à 8 semaines après avoir changé de marque, afin d’effectuer un éventuel ajustement de dosage (en accord avec le suivi médical), comme l’explique l’Agence nationale de sécurité du médicament [34].
L’excès d’iode est éliminé par les reins dans les urines, c’est pourquoi l’analyse urinaire est un bon indicateur de l’apport en iode [35]. Les urines du matin sont reconnues comme fiables par l’OMS, mais certains laboratoires peuvent exiger une collection d’urines sur 24 heures :
- enfants et adultes : entre 100 et 300 µg/l ;
-
grossesse : entre 150 et 500 µg/l.
Les valeurs maximales n’ont pas été déterminées pour les enfants de moins de 2 ans, faute de données, pas plus que pour les femmes allaitantes. Leurs minimales sont toutefois semblables aux valeurs générales pour les enfants et les adultes.
La palpation de la thyroïde (vidéo illustrative : https://youtu.be/qbzd9yGDlso), la mesure de l’iode urinaire et l’analyse de la TSH sont des étapes progressives dans le parcours d’investigation. Elles ne permettent pas de remplacer l’expérience médicale d’une personne diplômée. Il est également recommandé de ne pas conduire d’analyse par simple curiosité, car c’est inutile et dispendieux.
ALIMENTS GOITROGÈNES
Certaines substances dites goitrogènes sont susceptibles d’inhiber la captation de l’iode par la thyroïde, mais surtout lorsqu’on en manque déjà. Ces substances sont soit des nitrates (NO3–), soit des perchlorates (ClO4–) [36], soit des thiocyanates (SCN–). La consommation de tabac peut également aggraver l’effet de ces substances. Lesdits goitrogènes se trouvent naturellement dans de nombreux aliments sains, mais peuvent également provenir de contaminations courantes :
- Les nitrates sont présents dans les légumes à feuilles vertes. On en trouve aussi dans l’eau de consommation en raison de leur utilisation en tant qu’engrais dans l’agriculture.
- Les perchlorates sont présents en quantité importante dans certaines eaux de consommation, en raison de leur utilisation industrielle et militaire et de leur rejet dans les nappes phréatiques [36].
- Les thiocyanates sont abondants dans les choux, le brocoli, les choux de Bruxelles, les navets, les graines de colza et de moutarde entre autres. Le manioc, qui peut contenir jusqu’à 3 400 mg/kg de SCN– [36], est l’aliment le plus riche en thiocyanates dans de nombreuses régions du monde. Chez les personnes qui fument, le taux sérique de thiocyanate est également beaucoup plus élevé que chez celles qui ne fument pas en raison du cyanure que les cigarettes contiennent [36]. Il en est de même pour les fumeurs passifs ou fumeuses passives, comme les enfants dont les parents fument [37].
Les thiocyanates et perchlorates d’origine environnementale semblent ne pas avoir d’effet direct sur les fonctions thyroïdiennes [38]. Les isoflavones contenues dans le soja peuvent toutefois faire apparaître des symptômes de carence en iode lorsque celui-ci est consommé en quantité importante [39]. La conclusion est que les véganes doivent consommer lesdits aliments goitrogènes parce qu’ils sont particulièrement sains, mais qu’il est d’autant plus nécessaire de garantir les apports en iode. D’autres événements nutritionnels peuvent accentuer les effets d’une carence, telle une carence en vitamine A, en sélénium ou en fer [23].
CARENCE ET EXCÈS
C’est plutôt la carence en iode qui est observée parmi les populations qui ont végétalisé leur alimentation [38]. Il convient de prévenir ces situations, car les conséquences peuvent être graves chez les adultes, mais plus encore et de manière malheureusement irréversible durant la grossesse ou chez l’enfant :
- hypothyroïdie congénitale [40] ;
- fausse couche et mort-né ;
- anomalies congénitales [41] ;
- défauts psychomoteurs [42] ;
- retard de développement [43] ;
- goitre (hypertrophie de la thyroïde) ;
- visage bouffi ;
- exophtalmie (yeux exorbités) [44] ;
- retard mental ;
- crétinisme ;
- nanisme ;
- surdité ;
- mutisme ;
- strabisme ;
- immaturité sexuelle ;
- constipations fréquentes ;
- jaunisse ;
- difficultés à se nourrir ;
- pleurs rauques ;
- bradychardie (faiblesse du rythme cardiaque) ;
- hernie ombilicale ;
- faiblesse physique ;
- hypercholestérolémie [45] ;
- hyperhomocystéinémie [46] ;
- prise de poids [47] ;
- léthargie [48] ;
- cheveux secs ;
- alopécie [49] ;
- peau sèche ;
- troubles du sommeil ;
- troubles de la mémoire [50] ;
- dépression ;
- perturbation du cycle menstruel (règles longues et abondantes ou au contraire courtes et peu abondantes) [51] ;
- augmentation du risque de nodules de la thyroïde ;
- augmentation du risque de cancer de la thyroïde [52] ;
- vulnérabilité aux risques nucléaires.
En raison d’un transfert minimal d’hormones thyroïdiennes de la mère à l’enfant lors de la grossesse [52], certains symptômes passent inaperçus à la naissance, et leur nature peut varier si le crétinisme est neurologique (manque d’iode sévère lors de la grossesse) ou myxœdémateux (manque d’iode constaté après la naissance) [53]. Le goitre survient plutôt durant l’enfance ou à l’âge adulte, lorsque l’apport en iode est très insuffisant.
En raison d’une élimination urinaire très efficace, on ne peut réellement parler d’excès que lorsqu’on dépasse très largement les maximales de manière chronique. C’est extrêmement peu probable chez les véganes. Il faudrait consommer quotidiennement des quantités significatives d’algues riches en iode sur de longues périodes. Aussi improbable soit-il chez les véganes, l’excès chronique d’iode peut provoquer une augmentation de l’activité thyroïdienne (hyperthyroïdie), dont les symptômes peuvent être variés :
- difficultés de concentration ;
- fatigue ;
- goitre (hypertrophie de la thyroïde) ;
- nodules de la thyroïde ;
- exophtalmie ;
- yeux irrités ;
- perte de cheveux ;
- faiblesse de la hanche et des épaules ;
- cycles menstruels irréguliers et aménorrhée ;
- développement de la poitrine chez les hommes ;
- hypertension ;
- augmentation du rythme cardiaque ;
- palpitations ;
- intolérance à la chaleur ;
- augmentation de l’appétit ;
- ballonnements fréquents ;
- diarrhée ;
- nausée ;
- vomissements ;
- nervosité ;
- agitation ;
- insomnie ;
- perte ou prise de poids ;
- tremblements de la main ;
- peau moite ;
- augmentation de la transpiration ;
- démangeaisons ;
- rougeurs [54].
Dans certaines conditions, l’excès d’iode peut bloquer les fonctions thyroïdiennes. Cela provoque alors des effets semblables à ceux de la carence.
CONCLUSION
L’ensemble des autorités sanitaires considèrent que l’excès chronique est rare et globalement moins dévastateur que la carence en iode. L’application des recommandations qui sont données en introduction permet d’éviter de développer une affection de la thyroïde pour des raisons strictement nutritionnelles. Bien que de nombreuses autres conditions médicales puissent provoquer des dysfonctionnements apparentés, personne ne doit faire l’économie de cette prévention. Une attention particulière doit être portée aux projets de grossesse, à l’allaitement et aux enfants.
Ce travail a été préparé par Nathan Andrieu et révisé par Constantin Édouard Imbs.
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NOTES
[1] AFSSA, Évaluation de l’impact nutritionnel de l’introduction de composés iodés dans les produits agroalimentaires, mars 2005.
[2] L’État de santé de la population en France. Suivi des objectifs annexés à la loi de santé publique. Rapport 2011, p. 144.
[3] Choi WJ, Kim J. Dietary Factors and the risk of thyroid cancer: a review. Clin Nutr Res 2014 Jul;3(2): 75-88.
[4] Martin Ambroise (dir.), Apports nutritionnels conseillés pour la population française, Tec & Doc, 3e édition, 2001, p. 161.
[5] Introduction of iodized salt in the 1920’s linked to increased IQ and growth in the U.S. and Switzerland, dans Iodine Deficiency Newsletter, août 2013.
[6] Organisation mondiale de la santé, Iodine deficiency in Europe: a continuing public health problem, Maria Andersson et al., 2007, p. 8.
[7] National Institutes of Health, Iodine fact sheet for health professionals, 24 juin 2011.
[8] Organisation mondiale de la santé et Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, Vitamin and mineral requirements in human nutrition, 2e édition, Bangkok, 1998, tableau 16.5, p. 313.
[9] AFSSA – Comité d’experts en nutrition humaine, Report from the AFSSA expert committee on human nutrition on food fortification by vitamin and mineral: meeting the nutritional and safety needs of the consumer, 8 novembre 2001, version transcrite : 15 janvier 2002, affaire no 2000-SA-0239, saisine de la DGCCRF.
[10] AFSSA, Évaluation de l’impact nutritionnel de l’introduction de composés iodés dans les produits agroalimentaires, mars 2005, p. 48.
[11] Arrêté du 24 avril 2007 relatif aux substances d’apport nutritionnel pouvant être utilisées pour la supplémentation des sels destinés à l’alimentation humaine.
[12] Dasgupta PK, Liu Y, Dyke JV. Iodine nutrition: iodine content of iodized salt in the United States, Environ Sci Technol 2008 Feb 15;42(4):1315-23.
[13] Wahl R, Breidt M, Kallee E. Iodide supplementation: 200 micrograms daily or 1,500 micrograms weekly?, Z Ernahrungswiss 1998 Mar;37(1):18-22.
[14] Ingenbleek Y, Jung L, Férard G, Bordet F, Goncalves AM, Dechoux L. Iodised rapeseed oil for eradication of severe endemic goitre, Lancet 1997 Nov 22;350(9090):1542-5.
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[15] Joseph Louis Gay-Lussac, « A Memoir on Iodine », dans The Annals of Philosophy, Université de Harvard, Baldwin, Cradock et Joy, 1815, vol. 5, p. 101-109.
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[19] University of Manchester, Stressed Seaweed contributes to cloudy coastal skies, study suggests, Manchester, 6 mai 2008.
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